LE VAUTOUR BLANC

 

L’été touche à sa fin. Chez les vautours percnoptères, les querelles de voisinage deviennent plus nombreuses, l’heure du grand départ a sonné.
Rapace au physique exceptionnel, le vautour percnoptère était considéré par les anciens Egyptiens comme le « purificateur sacré ». A cela une raison, il débarrasse les pâturages des animaux morts, évitant ainsi les épidémies. Inscrit sur la liste des oiseaux protégés, il niche en Provence et dans les Pyrénées.
Là-haut sur  la falaise, la laine de mouton qui recouvrait le nid est tassée par les pluies, quelques branches sont tombées. « Espérons que la Marie-Blanque, comme nous la surnommons à cause de son plumage blanc, reviendra au mois de mars prochain pour y remettre de l’ordre », confie un bénévole du Fonds d’Intervention pour les Rapaces, qui veille pendant l’été sur les aires où grandissent les jeunes.
Un grand planeur
Au printemps, reconnaissable à son allure en vol, la tête rentrée, le vautour percnoptère va dessiner dans le ciel des cercles gracieux qui permettent d’observer sa silhouette blanche aux ailes bordées de noir. D’abord seul, il sera rejoint par sa partenaire aux abords de l’aire, située à une grande hauteur, dans une cavité à l’abri d’un surplomb rocheux. Le nid, garni de laine et de poils, installé sur un monticule de branche très épais, ne craint pas les plus grosses intempéries.
Avant le lever du soleil, dès que l’engoulevent a terminé sa trille et que le rouge-gorge a sonné le réveil de la forêt, l’oiseau blanc part à la recherche de sa nourriture. Son acuité visuelle est excellente : il peut voir un aliment de 6 cm à une distance d’un kilomètre. Prudent, il se pose à bonne distance de la dépouille repérée et passe parfois plus de deux heures à faire sa toilette, laissant aux autres le soin de commencer à se nourrir. Puis, par bonds successifs, il arrive sur le lieu du festin ; aussitôt les autres charognards s’écartent. Le grand corbeau courroucé revient piquer la queue de l’oiseau blanc. Au sol, le vautour est moins élégant qu’en vol ; jamais un cri, seulement quelques coups de bec ou d’aile pour écarter les voisins. Le percnoptère déchire la viande avec son bec, la tenant par ses pattes, avalant de petites bribes. Le couple vient rarement aux mêmes heures, mais lorsque cela arrive, ils ne mangent jamais l’un à côté de l’autre, chacun attend son tour.
De l’Afrique aux Pyrénées
Cette année, ils ont deux oisillons à élever. Pour les ravitailler, le mâle ou la femelle commence par se nourrir, puis déchire des lambeaux de viande qu’il aligne au bord de son bec. Quand celui-ci est garni, il lève la tête, saute sur un rocher et s’élance vers la nichée pour donner la becquée. Il n’hésite pas non plus à chercher des sauterelles et à retourner les bouses de vache afin d’y attraper les plus gros insectes.
Pendant quatre années, les jeunes vont errer au-dessus de l’Afrique et changer de plumage ; le noir devient blanc par touches successives. Quand leur plumage sera comme neige, ils reviendront planer au-dessus des Pyrénées.

retour vers parutions

A.LABAT
Rustica n° 1446